« Je t’écris, Colombie » : lettres de solidarité à un peuple qui résiste

29/03/2022 |

Par Capire

Lisez un extrait du livre numérique « Te escribo Colombia » [Je t'écris, Colombie], publié par l'alliance Solidarité, Résistance, Espérance

Te escribo Colombia

Jour après jour, le peuple colombien vit les conséquences d’un État construit sur le militarisme, la violence et le néolibéralisme. Un État qui, pour se maintenir, réprime les manifestations, poursuit les mouvements sociaux, criminalise et assassine les femmes et les leaders politiques et communautaires. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour défendre la vie, la liberté et une nouvelle politique pour la Colombie, contre les inégalités, la privatisation, la suppression de droits et le projet politique représenté par l’actuel gouvernement d’Iván Duque.

En solidarité avec ces combattants infatigables, les organisations réunies dans l’alliance Solidarité, Résistance, Espérance ont lancé un appel par lettres, poèmes, histoires et autres langages textuels qui dialoguent avec le peuple colombien. Le résultat de ce processus est le livre virtuel Te escribo Colombia [Je t’écris, Colombie], publié en espagnol le 28 mars 2022, avec des illustrations d’Evelaine Martinez, de la Brigade d’Arts Plastiques Cândido Portinari, du Mouvement des travailleurs ruraux sans-terre du Brésil (MST). La coordination de cette initiative a été assurée par Via Campesina, FIAN International, la Fédération Internationale des mouvements d’adultes ruraux catholiques (Fimarc) et WhyHunger.

L’alliance a décidé d’encourager la production de textes littéraires car « la littérature a un rôle pertinent dans les luttes populaires comme expression d’un lieu social, comme espace de délices et de rêve, comme arme et comme plaisir, comme connexion entre l’être humain et la nature, comme re-signification de la condition humaine, comme projection d’un avenir de liberté et de plénitude ». Je t’écris, Colombie est une manière d’internationaliser la solidarité, de renforcer la rébellion et d’affirmer que, partout dans le monde, il y a des gens attentifs aux violations systématiques des droits humains commises dans le pays.

Nous partageons ci-dessous une traduction du texte « Lettre aux amies que je connais déjà et à celles que je vais rencontrer », par Sofía Monsalve Suárez, colombienne résidant en Allemagne. Le texte original, ainsi que le livre complet, sont accessibles ici.

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Lettre aux amies que je connais et à celles que je vais rencontrer

Je vous écris cette lettre aujourd’hui comme une naufragée lance un appel à l’aide en haute mer. Je voudrais vous demander d’écrire pour la Colombie. Dans les moments de profonde tristesse et d’angoisse, les mots qui nous écoutent, les silences qui nous sauvent, les histoires qui nous aident à contempler les oiseaux et le vent dans les branches, à sentir la pluie et le feu qui brûle dans les autres cœurs, ravivent nos forces pour guérir, pour supporter : il y a quelque chose qui va au-delà de ce que nous devons vivre, il y a l’espoir.

Je vis à des milliers de kilomètres avec plus de 20 ans d’absence de la Colombie, ma patrie. Il n’y a pas eu une semaine cette année sans recevoir des nouvelles de meurtres de femmes et d’hommes leaders communautaires, paysans, autochtones, noirs, écologistes, syndicalistes, étudiants, jeunes du Cauca, du Nariño, du Putumayo, de l’Antioquia, dans le nord de Santander et autres départements.

Les massacres ont repris. La guerre n’est pas finie. Mais la mort n’aura pas le dernier mot. C’est pourquoi je voudrais vous demander d’écrire pour la Colombie. Pour défendre la vie. Pour semer la paix. Racontez des histoires qui donnent de l’élan à vos peuples, sur les fleuves qui rencontrent les nôtres et forment des mers immenses, racontez ce qui s’épanouit dans votre imagination en écoutant des noms, des mélodies, des histoires qui viennent de cette terre andine et amazonienne, pacifiste et caribéenne.

Écrivez pour la Colombie. Afin de ne pas la condamner à la solitude sans deuxième chance sur terre. Comme une manière d’embrasser le profond désir universel de paix de ceux qui ont le plus souffert des tourments de la guerre.

Sofia Monsalve Suárez

Badenweiler, Allemagne, septembre 2020

Rédaction d’Helena Zelic
Traduit du portugais par Claire Laribe
Texte original em espagnol

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