« Les armes ne sont pas des outils pour la paix » : les féministes contre les guerres et l’OTAN

04/04/2022 |

Par Capire

Avec la proximité du Sommet de la paix contre l'OTAN, les femmes construisent un agenda féministe pour mettre fin à la guerre et pour instaurer la paix

Eat NATO for Breakfast #6 with Kristine Karch

Les guerres et le militarisme sont des rouages du système d’exploitation et d’oppression dans lequel nous vivons. Ils détruisent les communautés, déséquilibrent les économies et les modes de vie, bloquent la souveraineté et la liberté des peuples. Depuis des décennies, le mouvement féministe dénonce les impacts des guerres sur la vie des femmes et leur lien étroit avec le patriarcat, le capitalisme et le racisme. Les féministes sont attentives aux mouvements impérialistes de l’OTAN et à sa quête de contrôle des peuples et des territoires du monde entier. Elles disent « non » à la guerre en Ukraine, ainsi qu’aux guerres, sanctions et occupations en Palestine, au Yémen, au Sahara occidental et dans tout autre territoire.

En plein préparatifs du Sommet de la paix qui se tiendra en juin à Madrid, l’agenda féministe pour la paix a été discuté lors du sixième épisode du programme hebdomadaire du People’s Dispatch « Eat NATO for Breakfast »[Mangez l’OTAN au petit déjeuner]. La conversation a eu lieu entre Kristine Karch du mouvement Femmes contre l’OTAN [Women Against NATO], Nora García et Franziska Kleiner, de l’Assemblée Internationale des Peuples (AIP).

« Une femme qui appuie sur le bouton nucléaire, ce n’est pas du féminisme »

Au cours de la conversation, Kristine a expliqué comment la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies, établie en l’an 2000, reconnaissait pour la première fois les femmes comme des victimes immédiates de la guerre et de la violence, et les reconnaissait également comme des agents de la société. Son objectif était de donner aux femmes la possibilité de participer à toutes les négociations dans les situations de conflit. L’OTAN a ensuite mis en œuvre cette résolution et l’a utilisée pour asseoir la militarisation de la société. « Ils ont inclus les femmes dans leur sale travail de tuer les gens. Nous devons garder cette résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies hors de l’OTAN », a-t-elle déclaré.

« Dans le féminisme libéral, il y a l’idée qu’il est possible de rendre les femmes visibles en créant des emplois de haut niveau, comme si cela devait changer les choses d’une manière ou d’une autre », a ajouté Franziska Kleiner. En ce moment, l’OTAN est à la recherche d’une femme pour remplacer son actuel secrétaire général, Jens Stoltenberg, avec une stratégie d’appropriation des discours féministes. Cela signifie qu’une femme pourrait occuper la plus haute fonction politique de la principale alliance militaire mondiale. Pour Franziska, « certaines personnes peuvent voir cette proposition comme une avancée, mais bien sûr, ce n’est que de la poudre aux yeux. Cela donne une image moderne et progressiste, tout en conservant la même dynamique de contrôle et de destruction. Les femmes à la direction de l’OTAN ne vont pas nous sauver. »

En raison du consensus établi par les médias grand public dans tout l’Occident, la principale préoccupation est que le pouvoir de l’OTAN soit renforcé et soutenu, du fait de la guerre en Ukraine. Pour lutter contre le patriarcat et la guerre, Nora García a fait valoir que les mouvements devraient « promouvoir un processus de paix international pour démanteler l’OTAN et abolir les armes nucléaires ».

Un agenda féministe pour la paix

Les femmes ont construit une réponse collective, un agenda féministe commun pour la paix, pour lutter contre l’avancée de la militarisation sur leurs corps et sur leurs territoires à travers le monde. Les processus militarisés de résolution des conflits traitent souvent les impacts sur la vie des femmes comme des « dommages collatéraux » ou des « pertes acceptables ». Les femmes dénoncent les violences qu’elles subissent en étant traitées comme des butins de guerre, en étant violées, kidnappées, assassinées et subissant les conséquences des sanctions de guerre.

En 2010, dans le processus de construction de sa 3ème Action internationale, la Marche Mondiale des Femmes en a proposé une définition dans sa ligne d’action pour la paix et la démilitarisation : « le viol est utilisé pour humilier, déshonorer et démoraliser l’ennemi. Il est considéré comme un moyen de propagande militaire ou, comme cela s’est produit plus récemment en Bosnie-Herzégovine, comme une politique de purification et de nettoyage ethnique. Au Rwanda, il a été instrumentalisé comme un acte de génocide, en Haïti comme un instrument de terreur politique, ou même comme un symbole de victoire ».

Augmentation du nombre d’armes en circulation, violence domestique et étatique, déni des libertés fondamentales et persécution des leaders, restrictions alimentaires, refuges et déplacements :  tels sont les résultats des guerres dans la vie concrète des femmes. C’est pourquoi le féminisme redonne du sens, avec stratégie et articulation politique, à un agenda actif qui défend les peuples marginalisés et propose une réorganisation de l’économie et des sociétés, basée sur la liberté, l’égalité et l’autodétermination.

Pendant les guerres, l’accès à l’éducation est perturbé, la santé est mise en danger, les biens communs se raréfient, et l’industrie de guerre génère des profits dans un large éventail de secteurs. Dans la guerre en Ukraine, les dernières sanctions imposées par les États-Unis et la Suisse, alliés à l’Union européenne, concernent le secteur de l’énergie et les transactions financières effectuées non seulement par les entreprises, mais par la population. « Les sanctions sont des instruments de maintien du pouvoir impérialiste pendant la guerre », a expliqué Franziska. Ces sanctions économiques ont un impact important sur la vie des femmes qui sont en première ligne du travail de soins, extrêmement nécessaire dans des moments comme celui-ci.

Le système qui produit lui-même des guerres et des destructions ne sait pas comment résoudre ces problèmes, et il incombe aux femmes de le faire.

Pour Nora, en temps de guerre, les femmes sont « le gilet de sauvetage de la vie quotidienne. Nous portons la reproduction de la vie sur nos épaules. »

Les luttes féministes pour la paix placent les besoins et le bien-être des gens au centre de tout, en raison du rôle que les femmes jouent dans le maintien de la vie. Pour Franziska, ces luttes féministes « visent à assurer une vie digne, plutôt que le profit du marché et la montée de la haine et de l’intolérance de l’extrême droite ». La perspective féministe sur la résolution des conflits doit « surmonter une société fondée sur le capitalisme, le racisme et le militarisme, avec des valeurs telles que la rivalité, la compétition et l’individualisme extrême », a fait valoir Kristine.

Les revendications féministes dans le contexte de la guerre actuelle sont le démantèlement de l’OTAN et l’abolition des armes nucléaires par le biais d’un processus international de paix.

« Nous devons créer notre propre structure, en tant que féministes, pour expliquer les éléments importants qui sont actuellement contestés. La guerre n’est pas la paix. Le militarisme ne peut pas éviter les guerres. La solidarité militarisée est une contradiction en soi. La guerre et la destruction ne sont pas inévitables », a déclaré Nora.

Selon Kristine « il est important non seulement de parler d’égalité, mais aussi de justice. » Une approche féministe de la construction de la paix et de la sécurité fondée sur la justice passe par la coopération, non pas par la confrontation, et doit respecter la souveraineté du peuple. « La paix n’est en aucun cas une configuration standard du capitalisme, et le pacifisme n’est pas simplement le fait de rester calme ; c’est en fait un travail acharné », a expliqué Franziska. Là encore, il convient de reprendre la ligne d’action de la Marche Mondiale des Femmes : « nous exigeons la démilitarisation et nous défendons que la culture de la paix dépasse la simple absence de guerre. Notre combat est pour les droits des femmes dans les zones de conflit, pour la fin des violences sexuelles et de l’esclavage comme armes de guerre et nous protestons également contre l’impunité des agresseurs, qu’ils s’agissent d’États ou de groupes. Notre action contre la guerre et la militarisation exige l’inclusion des femmes dans les processus de pacification et prône la désobéissance civile en réaction à l’agression. »

La lutte pour la paix est définitivement une lutte anti-impérialiste, une lutte pour le féminisme et pour la transformation sociale en tous points. Pour lire d’autres textes sur le programme Eat NATO For Breakfast, visitez le portail Peoples Dispatch. Capire continuera de suivre et de publier des articles sur les préparatifs du Sommet de la paix « Non à l’OTAN ».

Rédaction de Bianca Pessoa
Édition et révision de Helena Zelic
Traduit du portugais par Claire Laribe
Texte original em anglais

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