La radio communautaire : un outil pour le féminisme dans les zones rurales du Sri Lanka

28/07/2022 |

Par Anuka de Silva

Anuka de Silva partage ses expériences de communication populaire dans le webinaire de Capire sur le féminisme et la communication

Actuellement, le Sri Lanka vit une instabilité et une crise politique et économique effrayante. Et la voix principale dans cette confrontation est celle des femmes. Nous sommes à un point où, dans la crise économique, politique et impérialiste actuelle, les femmes ont fait passer leurs luttes de la cuisine à la rue. C’est la raison pour laquelle toute la population du Sri Lanka est descendue dans la rue. Et il est possible de voir à quel point le gouvernement s’est affaibli face à la voix des femmes.

Dans ces circonstances, la communication est l’une des contributions des femmes à la stabilité politique. Mon expérience en tant qu’agricultrice, en particulier dans la région asiatique, est que les femmes vivent dans une société patriarcale et n’ont donc pas beaucoup d’occasions de faire entendre leur voix. À la recherche d’alternatives, nous examinons principalement les façons dont les perspectives féministes peuvent être présentées et validées dans les communautés rurales, et l’approche principale en ce sens a été celle de la radio communautaire.

C’est la principale alternative que nous avons choisie. Nous savons que dans les médias capitalistes d’aujourd’hui nous n’avons pas l’espace dont nous avons besoin. Ainsi, notre proposition principale est d’utiliser la radio communautaire comme un moyen pratique de partager des informations. Il y a un problème d’accès à la lecture et à l’écriture chez les femmes des communautés rurales. Elles ont moins de temps pour pratiquer la lecture et l’écriture, car elles passent la plupart de leur temps à s’occuper de leurs enfants et dans les plantations. Leurs chances de rejoindre des clubs et des groupes sociaux au sein de la communauté pour se réunir et partager des informations sont très faibles.

Nous essayons toujours de faciliter cela en sélectionnant des méthodes qui peuvent les atteindre sans trop d’effort, comme écouter la radio. Notre effort pour la radio communautaire et pour cette approche de communication est de créer un environnement dans lequel les femmes peuvent renforcer leurs droits et leurs capacités, en particulier au sein de cette société patriarcale et dans ce processus politique.

Notre plus grande expérience est que, grâce à la radio, les femmes ont construit des canaux où elles peuvent exprimer leurs idées sans crainte. De la même manière, nous pensons que la communication est fondamentale dans ce processus de transformation politique. Les méthodes de communication contribuent à trouver des approches pour confirmer leurs pouvoirs, en particulier la compréhension mutuelle entre les femmes rurales et urbaines.

Nous sommes confrontées à d’immenses inégalités en Asie du Sud en termes de partage d’informations, à cause des barrières linguistiques. Chez Via Campesina, nous avons toujours cru et proposé que nous devions construire des espaces où les femmes peuvent facilement exprimer leurs idées, partager des informations et des expériences et, à partir de là, renforcer leurs capacités. L’articulation de la Via Campesina donne également une importance extrême aux travaux sur cet aspect en Asie du Sud. Il y a une hésitation chez les femmes à exprimer leurs opinions dans la culture actuelle. Grâce à la radio communautaire, nos efforts visent à faire des femmes une partie active de la transformation sociale.

De plus, de cette manière, nous espérons créer un accès à des espaces auxquels elles n’avaient pas la possibilité d’accéder auparavant. Ce sont les méthodes de partage d’informations que nous choisissons d’utiliser pour favoriser la transformation sociale, les attitudes féministes et les capacités des femmes. Une partie essentielle est le renforcement de la communication pour construire des mouvements politiques féminins actifs.

Nous travaillons actuellement avec des jeunes femmes pour créer des mécanismes permettant de mettre en évidence les informations, les problèmes et les expériences des femmes sur le terrain à travers les réseaux sociaux. De plus, nous donnons aux jeunes femmes les moyens d’utiliser de nouveaux outils techniques. Nous créons aujourd’hui des opportunités pour les femmes dans les villages, pour renforcer le leadership dans les communautés à travers la radio communautaire et les magazines alternatifs au niveau national. En tant que Via Campesina, nous avons toujours choisi nos méthodes de communication avec une compréhension des multiples diversités qui existent, pour renforcer nos efforts dans la construction du leadership des femmes. Ainsi, nous avons la capacité de construire le leadership des femmes qui les mènera à la transformation et à la stabilité politique dans lesquelles l’expression de leurs opinions est établie.

Grâce à notre travail dans la région et même au niveau international, comme Via Campesina et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysannes, nous essayons de construire un environnement où les droits des femmes sont ratifiés. Où leur collectivité s’affirme dans des processus dans lesquels elles comprennent leur propre pouvoir. Toujours autour des luttes pour la souveraineté alimentaire, notre espoir est de construire un processus dans lequel le pouvoir des femmes s’affirme.

C’est notre processus pour porter la voix des communautés rurales au niveau international. Notre effort permanent consiste à sélectionner des méthodologies de communication et des individus politiquement conscients. Aujourd’hui, il y a d’immenses forces qui se construisent parmi les femmes en Asie à partir du partage d’informations.

______________________

Anuka De Silva est membre du Comité international de la Via Campesina représentant le Sri Lanka. Cet article est une édition de sa présentation au webinaire « Stratégies politiques de communication féministe et populaire », tenu par Capire le 5 juillet 2022.

Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves

Articles associés