Miriam Makeba, une voix de lutte pour les femmes africaines

31/07/2023 |

Par Capire

En ce 31 juillet, Journée de la femme africaine, nous recueillons des témoignages de militantes de la MMF en Afrique sur la carrière et le combat de l'artiste

Les femmes artistes sont présentes dans l’histoire de la résistance féministe et populaire dans le monde entier. À travers leurs voix, leurs mots et leur créativité irrévérencieuse, ces femmes abordent les histoires et la réalité des luttes des gens et des autres femmes qui les entourent.

Le 31 juillet, Journée de la femme africaine, nous rappelons le travail des femmes artistes impliquées dans la lutte pour l’émancipation sur le continent. Par la musique de Lydia Dola, nous connaissons la langue des femmes du Kenya, du Soudan et de la Tanzanie ; à travers la poésie parlée de Linda Kouamé, nous dénonçons la violence et la marginalisation dont sont victimes les femmes Ivoiriennes ; et dans les paroles écrites de Noémia de Souza nous apprenons la résistance et la sororité noire entre les femmes du Mozambique et les peuples Noirs du monde.

Ces femmes font partie de l’histoire et de la culture de leurs pays et territoires, et elles se joignent aux voix de tant d’autres femmes de lutte. Sur le continent, une artiste qui a inspiré tant d’autres et marqué la lutte pour les droits des femmes dans plusieurs pays africains était Zenzi Miriam Makeba. Dans cet article, nous présentons le profil de Miriam Makeba et recueillons des témoignages de militantes de la Marche Mondiale des Femmes (MMF) du Zimbabwe, du Kenya et de la Côte d’Ivoire sur ses contributions à la lutte des femmes africaines.

Biographie

Miriam Makeba est née le 4 mars 1932 à Johannesburg, en Afrique du Sud. Confrontée à la pauvreté et à la ségrégation depuis l’enfance, une caractéristique du régime politique raciste de l’apartheid, qui est restée en vigueur pendant près de 50 ans dans le pays. Solange Koné de la MMF en Côte d’Ivoire rappelle que l’inspiration de Makeba pour le combat vient de sa mère. Miriam Makeba était une « femme engagée, un engagement dont elle a hérité de sa mère ; La Maman a été emprisonnée parce qu’elle pratiquait un métier pour lequel on ne lui reconnaissait pas le droit. Ce déni de droit à la fabrication de la bière a pour seul fondement le fait qu’elle soit une femme ; Myriam Makéba va donc suivre ses traces et rentre en politique et devient membre de l’anti-Apartheid », explique Solange.

À l’âge de 17 ans, Miriam commence à faire les premiers pas dans sa carrière musicale, qui commence par sa participation au groupe The Cuban Brothers ; mais c’est dans le groupe de jazz africain Manhattan Brothers que la chanteuse enregistre l’une de ses chansons les plus connues à ce jour, Pata Pata (1956). Toujours dans les années 50, elle fonde le groupe de chant féminin the Skylarks et, à la fin de la décennie, sa participation au film Come Back Africa, qui dénonce la ségrégation raciale, la fait mieux connaître dans son pays et à l’international.

Tout au long de sa carrière, Miriam atteint un large public et une grande popularité sur le continent africain. Siphathisiwe Moyo, de la MMF au Zimbabwe, a déclaré : « La contribution de Miriam Makeba à la lutte a été immense. Elle était franche dans les paroles et les concerts, qui se transformaient parfois en actes politiques. Avec sa musique, elle est devenue la voix de l’Afrique ».

Son travail politique a été intense tout au long de sa vie. Miriam, surnommée « Mama Africa », est devenue une figure importante du mouvement panafricaniste, qui prône l’union des peuples du continent. La persécution du gouvernement de l’Afrique du Sud pendant l’apartheid l’a forcée à vivre en exil pendant trois décennies.

Vivant aux États-Unis, elle a présenté la musique Xhosa et zouloue à un public international. Pendant cette période, l’artiste a épousé un membre important du mouvement des Black Panthers, Stokely Carmichael, en 1968. « Du fait de son engagement elle sera expulsée des États Unis où elle va se retrouver en Guinée en exile d’où elle s’engage dans l’écrit et l’interprétation des chansons militantes », explique Solange Koné.

La lutte continue

Sur la contribution de la musique de Miriam à la lutte des femmes africaines, Sefu Sanni de la MMF Kenya dit qu’elle « n’était pas seulement une voix de sa génération — elle était une voix de la révolution ». Thomas Sankara a déclaré : « il ne peut y avoir de révolution sans émancipation totale des femmes ». Mao a dit : « les femmes tiennent la moitié du ciel ». Et c’est vrai. Et c’était la voix que Miriam Makeba avait pour les femmes d’Afrique.

« Dans sa musique, quand elle chante ‘Le combat continue’, elle appelle les gens à sortir et à continuer à se battre ». Sefu partage que l’une de ses chansons préférées de l’artiste est « Hapo Zamani », qui signifie « il y a quelque temps », et est chantée en swahili. « Elle dit ‘Fuyez, homme blanc, parce que je retourne sur ma terre’. Elle était persécutée à cause de la lutte, pour avoir utilisé sa musique et sa voix pour lutter pour les droits de la classe ouvrière, qui était discriminée, pour avoir combattu l’apartheid. Elle a même été déportée. Mais elle a dit qu’elle reviendrait — et elle l’a fait ».

Miriam Makeba était en Guinée-Conakry lorsqu’en 1991, avec la fin de l’apartheid, elle a été invitée par Nelson Mandela à rentrer dans son pays.

Siphathisiwe partage qu’après la retraite de Miriam de sa carrière musicale, son travail dans la Fondation Myriam Makeba a joué un rôle majeur dans l’organisation sociale, en fournissant des espaces sûrs aux filles vulnérables et aux enfants des rues, ainsi qu’en sensibilisant et en faisant campagne contre l’abus de drogues et la sensibilisation au VIH.

Sefu ajoute que Makeba a inspiré les militantes africaines : « En ce qui concerne les questions de propriété foncière, les femmes dans le leadership politique, les droits sexuels et reproductifs des femmes et, bien sûr, les femmes en tant qu’artistes, elle représentait ces voix. Pour les femmes africaines, cela représente la liberté, l’émancipation, les droits des femmes sur leur propre terre, le droit de participer aux décisions, d’avoir une place à table, d’être des leaders, de s’occuper de leurs enfants, de sorte que le travail domestique fasse partie du système économique. Elle représente la totalité de la libération ».

Pour Solange, « pour celle de sa génération et celle des générations d’après ça été l’inspiration des certaines femmes qui ont suivi son exemple pour exprimer leur engagement et leur militantisme à défendre le droit des opprimés. L’autre point se situe sur le plan politique où elle a montré la voie aux femmes à s’engager dans la politique en vue de promouvoir les droits fondamentaux pour tous ».

Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves

Écrit par Bianca Pessoa

Édition par Helena Zelic

 

 

 

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