Les femmes à l’avant-garde de la politique : le travail d’organisation des femmes sahraouies

24/03/2023 |

Par El-Ejla Chejh Alla (Ayla Chejh)

El-Ejla Chejh Alla (Ayla Chejh) parle dans son article des actions de l'Union Nationale des Femmes Sahraouies et de leurs luttes en temps de guerre

L’Union Nationale des Femmes Sahraouies [Unión Nacional de Mujeres Saharauis – UNMS] est composée de femmes vivant dans des camps de réfugiés situés dans l’ouest de l’Algérie, de femmes qui se trouvent sur le territoire sahraoui — des terres à l’origine sahraouies aujourd’hui occupées par l’armée marocaine — et de femmes de la diaspora. La raison pour laquelle les femmes sahraouies se trouvent dans tous ces endroits différents est l’occupation marocaine de notre territoire.

En 1975, une grande partie de notre peuple a quitté le territoire occupé aujourd’hui en raison de l’avancée de l’invasion marocaine. L’armée marocaine nous a envahi pour réduire le peuple sahraoui en esclavage. À l’époque, nous n’avions pas de stabilité en raison de notre capacité militaire limitée, ce qui a créé un sentiment d’insécurité parmi nous. De nombreuses personnes ont quitté la zone occupée aujourd’hui, mais avec l’espoir de revenir bientôt. Cela ne s’est pas produit et nous avons passé tout ce temps ici dans les camps de réfugiés.

Il est vital que nous créions un environnement dans lequel les femmes sahraouies ne souffrent pas de ce temps prolongé qu’elles ont passé ici et ne sentent pas qu’elles ne peuvent rien faire pour leur peuple. Dans cette optique, nous devons assurer une organisation politique pour que les femmes puissent continuer leur mode de vie. Ce travail politique et social mené par l’UNFS a commencé en 1975, un an après l’occupation marocaine, et s’est poursuivi ici dans les camps de réfugiés, construits à partir de zéro par des femmes.

À l’UNFS, nous cherchons à sensibiliser à notre contexte politique et à garantir la participation des femmes à la vie politique. Nous essayons d’empêcher l’émergence de problèmes sociaux spécifiques aux femmes, car il n’y a pas de société sans problèmes. Nous veillons à ce que les femmes accèdent à des postes de décision. Parallèlement, nous encourageons les femmes à devenir autosuffisantes en créant leurs propres projets de petites entreprises ou de simples projets coopératifs.

Les femmes à l’avant-garde de la politique

Nous parlons de politique à partir de deux perspectives : la nationale et l’internationale. Au niveau national, nous affirmons que la République arabe sahraouie démocratique est un pays en développement. Sur cette base, nous devons sensibiliser les femmes à la politique. Et comment faisons-nous ? Nous propageons une conscience politique en même temps que nous la pratiquons. C’est le moment de développement dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui : les femmes s’organisent pour se placer au sein du bureau général du front politique. Nous avons également des femmes au Parlement, des représentantes dans les pays qui nous reconnaissent et des ambassadrices. Au niveau international, nous aidons les femmes à diffuser leur message dans d’autres contextes, à faire connaître la cause sahraouie. Elles participent à des congrès internationaux, des conférences, et nous les aidons à devenir membres de ces organisations et associations internationales.

Notre combat et notre espoir est que le peuple sahraoui retourne au Sahara occidental, mais sous la bannière de la République arabe sahraouie démocratique, un véritable avenir pour les femmes sahraouies.

Nous avons l’espoir, nous avons la volonté et un jour nous réaliserons cette vision. Nous appliquerons tout ce travail politique et l’organisation que nous faisons sur les terres d’Algérie et dans les camps de réfugiés d’une manière encore meilleure sur notre territoire.

Une lutte pacifique

Le peuple sahraoui est de nature pacifique. Nous pensons que toute nouvelle action doit être mise en œuvre de manière pacifique. Par notre travail, nous diffusons la paix et luttons pour la paix et la souveraineté ici dans les camps de réfugiés. Dans le territoire occupé, les manifestations des femmes sahraouies aussi sont pacifiques. Là-bas, les femmes se battent pour le droit d’être reconnues en tant que femmes sahraouies, d’exprimer leur culture et leurs racines.

La réponse est violente : elles sont battues, torturées et violées simplement pour avoir dit « Je suis une femme sahraouie. ». Elles sont traînées par les cheveux et emprisonnées par des hommes des forces militaires marocaines. C’est le genre d’oppression qu’ils exercent sur une femme sahraouie pacifique.

Les gens ne le savent pas car il y a un gigantesque blocus dans les médias qui interdit tout reportage sur ces actes de violence. Les journalistes ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire, et les habitants ont du mal à communiquer avec l’extérieur.

Ils veulent nous forcer, par des moyens politiques, à faire l’impensable : permettre la mise en place d’un État marocain autonome sur le territoire. C’est ce que nous appelons des violations de la loi, dont le but est de torturer le peuple sahraoui et de voler nos ressources. C’est une dissimulation de la vérité.

La guerre est notre dernier recours. Il y a eu la guerre au début, qui a cessé avec les conditions fixées par la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental, la MINURSO, mais le Maroc n’honore pas ces conditions. C’est pourquoi nous sommes à nouveau en guerre.

Ce qui nous représente en tant que Sahraouis c’est le front politique de la République Arabe Sahraouie Démocratique, le Front Polisario (Front Populaire de libération de la Saguia el-Hamra et du Rio de Oro). Quand les gens du Polisario nous disent qu’ils vont reprendre la guerre, nous comprenons, car, à l’origine, c’est un droit légitime. Bien que les femmes sahraouies ne soutiennent pas la guerre, nous soutenons toute forme de mouvement qui puisse apporter une solution. C’est la voie que nous avons trouvée vers la solution et nous la suivons.

Nous voulons le droit à l’autodétermination, à décider pour nous-mêmes. Nous voulons que notre légitimité internationale soit reconnue par l’Assemblée générale des Nations Unies et nous voulons que son émissaire nous reconnaisse comme un peuple ayant droit à la souveraineté. Mais la voie institutionnelle seule ne nous a pas conduites à nos droits. Nous vivons en tant que réfugiées depuis plus de 45 ans et le Conseil de sécurité n’a toujours pas trouvé de solution. Cette ombre est le résultat de la force d’oppression dans le territoire occupé.

Le Chejh Alla d’El-Ejla (Ayla Chejh) est une femme sahraouie née dans des camps de réfugiés en Algérie. Elle siège au conseil d’administration de l’Union Nationale des femmes sahraouies [Unión Nacional de Mujeres Saharauis – UNMS] et dirige le département des médias de l’organisation.

Original en arabeTraduit du portugais par Claire Laribe
Édition de Bianca Pessoa
Révision de Helena Zelic

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