Féminisme populaire et révolutionnaire à Cuba

15/01/2024 |

Par Elpidia Moreno

Elpidia Moreno, de la Fédération des femmes cubaines, parle des contributions de la Révolution cubaine au féminisme et à l'intégration des peuples

Foto: Unión por Cuba Libre

À Cuba, avant 1959, il y avait déjà des preuves d’un féminisme révolutionnaire et populaire, démontré dans l’incorporation des femmes dans les luttes libertaires et dans la formation des valeurs de leurs enfants pour la défense de la patrie. Mariana Grajales, la mère de la Patrie, en apprenant que son fils Antonio Maceo avait reçu sa première blessure de guerre, a dit à son plus jeune fils, Marcos : « Prépare-toi, il est temps pour toi de te battre pour la Patrie comme tes frères. » Il y avait beaucoup de femmes qui se sont battues pour l’indépendance de Cuba.

La présence de Vilma Espín dans les luttes pour la liberté à Cuba et, plus tard, en tant que présidente de la Fédération des femmes cubaines, a démontré l’existence de femmes qui, au cours de cette étape qu’elles devaient vivre, ont tout donné pour le développement de la société. Vilma a mené des batailles en faveur des femmes et a rassemblé des forces pour que les femmes puissent devenir, aujourd’hui, protagonistes et bénéficiaires du processus révolutionnaire.

De même, avant 1959, les femmes s’unissaient pour obtenir une loi sur le divorce et le droit de vote. Cependant, ce n’est qu’après le triomphe de la révolution que les femmes ont partagé le premier programme d’égalité. La révolution est venue à l’ensemble de la population.

Avec la victoire révolutionnaire, de profondes transformations économiques, politiques, sociales et culturelles ont eu lieu qui ont favorisé la population cubaine, et diverses lois et dispositions légales ont été promulguées pour garantir les droits humains de tous les citoyens. En particulier, les femmes ont bénéficié de la protection de leurs droits reproductifs et sexuels, de la planification familiale et de la santé. Parmi les lois qui ressortent le plus sont les lois sur la maternité qui favorisent les femmes qui travaillent, telles que le droit à l’éducation, à la sécurité et à l’assistance sociale, à l’emploi, au progrès technique et culturel, au développement, au vote, à élire et à être élues.

À Cuba, les femmes représentent 62 % de la population ayant fait des études supérieures, 67,2 % du nombre total de personnes ayant une formation technique et professionnelle et 45,4 % de la main-d’œuvre du secteur civil appartenant à l’État. Dans le secteur de la santé publique, gratuite et universelle, elles représentent 70,9 % des effectifs, 62 % du personnel médical. Et elles se distinguent par leurs performances en science, un secteur dans lequel Cuba a dépassé la parité hommes-femmes, avec 53,3 % de femmes.

La Fédération des femmes cubaines a systématiquement œuvré pour que davantage de femmes occupent des postes de décision, en particulier dans le système de Pouvoir populaire. Les résultats obtenus au cours de la dernière législature confirment que Cuba est le deuxième parlement au monde avec la plus forte participation des femmes, avec 55,74 % des députées. Au Conseil d’État, elles représentent 52,4 %.

Nous avons un Programme national pour la promotion de la femme, avec 7 domaines de mise en œuvre qui favorisent les femmes cubaines. Nous avons un nouveau Code de la famille qui a été approuvé par référendum populaire, avec un large processus de participation citoyenne. Le code reconnaît l’égalité de toutes les personnes et que la violence sexiste a des conséquences juridiques et offre des garanties aux soignantes.

Ce sont là quelques preuves de ce que nous avons accompli dans la promotion des droits et de l’autonomisation des femmes. Cependant, malgré toutes ces avancées, nous avons encore des défis à relever : travailler pour éliminer les restes d’inégalité et de discrimination qui persistent dans la société cubaine ; partager les soins avec la famille, car ils incombent encore aux femmes, ainsi que les tâches domestiques ; continuer à travailler pour éliminer tout type de violence contre les femmes ; continuer à condamner le blocus économique, commercial et financier, le principal acte de violence subi par les femmes cubaines depuis plus de 60 ans.

Au milieu de tant de difficultés, nous avons été les porte-drapeaux de la solidarité internationale et de l’intégration régionale. Nous étions en Angola et nous avons laissé du sang cubain dans les combats. Nous hissons également les drapeaux de la solidarité en Éthiopie, en Namibie, et chaque fois que nous recevrons la nouvelle d’un tremblement de terre au Pérou, en Indonésie, ou d’un ouragan en Amérique centrale, nous serons là, avec l’esprit de stoïcisme révolutionnaire et la vraie conviction que nous partageons ce que nous avons et non ce qu’il nous reste, défiant le temps et les difficultés. En tant qu’arme, nous portons nos blouses blanches et les instruments nécessaires pour guérir le monde.

L « Opération miracle » a rendu la vue à des millions de personnes qui pensaient que parce qu’elles étaient pauvres, leur problème de santé n’aurait pas de solution. Nous n’avions pas peur de nous attaquer à Ebola, et une brigade appelée « Henry Reeve » parcourt maintenant le monde pour se faire des amis. La dengue au Salvador ne nous a pas intimidées et nous sommes heureuses d’avoir été au Nicaragua. Nous avons construit l’aéroport de Grenade et transformé les revers en victoires, comme Fidel nous l’a appris. Des professionnel.le.s de la santé se sont rendu.e.s au Brésil pour participer au programme « Plus de médecins » [Mais médicos] et y ont écrit de belles pages d’assistance, d’éthique et de relations avec les patients. Nous sommes fières du fait que 64 % du personnel médical cubain fournissant des soins médicaux à l’étranger sont des femmes.

Pendant la pandémie de COVID-19, des scientifiques cubains, principalement des femmes, ont réussi à produire cinq vaccins potentiels et trois d’entre eux ont été approuvés et ont permis d’immuniser l’ensemble de la population cubaine, en plus d’être partagés avec plusieurs pays. Nous fournissons une assistance à d’autres États, en envoyant 58 brigades médicales dans 42 pays et territoires, y compris des pays développés.

Ces exemples renforcent nos convictions. Notre équipe médicale continuera à escalader des montagnes, à traverser des rivières, à dormir à l’air libre, pendant que vous, nos amis, continuerez à défendre la vérité. Vous avez toujours identifié qui sont les vrais ennemis, qui provoquent les guerres, quelles sont les causes de la pauvreté, de la misère, de la faim et du manque de droits fondamentaux, qui sont violés quotidiennement dans le monde.

Nous, femmes cubaines, faisons partie des mouvements sociaux d’Amérique latine. Nous devons continuer à diffuser le débat diversifié et pluriel et contribuer à l’intégration de la perspective de genre dans d’autres mouvements ; poursuivre la bataille contre les sociétés transnationales et les latifundio ; travailler dans les communautés de la région pour intégrer les femmes de différents secteurs dans les mouvements de solidarité, avec ceux qui résistent sur leurs territoires, pour le droit à la terre, la souveraineté alimentaire et la culture.

Le féminisme populaire et révolutionnaire apparaît sur les agendas politiques, mais de fausses idées et opinions persistent encore. Il y a des femmes qui connaissent la valeur de l’émancipation et la lutte pour l’égalité, mais quand vous demandez « Êtes-vous féministe ? », elles disent « non ». Nous devons contribuer à une recomposition du mouvement féministe, en tenant compte de la mobilisation, de l’occupation des rues, de la solidarité entre les peuples, de la confrontation des blocages économiques et politiques, de la lutte contre le patriarcat, le néolibéralisme et le capitalisme. Les pratiques de l’éducation populaire et des groupes de réflexion féministes sont fondamentales pour la construction permanente du mouvement et la capacité de répondre aux défis de chaque contexte.

Nous devons valoriser les avantages du socialisme, ainsi que travailler dans le présent pour l’intégration régionale afin de laisser l’héritage de l’unité aux nouvelles générations. Nous devons porter la paix et les bannières de l’internationalisme et de la solidarité internationale à des niveaux plus élevés; et soutenir un front commun pour des causes justes et nobles, contre la pauvreté et la violence. Nos battre ensemble pour la Palestine, le Venezuela, Cuba et tous les territoires bloqués par le gouvernement américain et ses alliés. Avoir un front commun pour les pays qui vivent sous les bombardements et dans lesquels, jour après jour, des innocents meurent.

C’est le grand défi : continuer à contribuer au féminisme révolutionnaire et populaire en tant que mouvement qui lutte pour transformer le monde et la vie des femmes. Nous toutes, ensemble, pouvons y parvenir, avec l’unité et l’intégration de notre Amérique.

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Elpidia Moreno est membre de la Fédération des femmes cubaines (FFC) et membre de la section cubaine de la Marche Mondiale des Femmes (MMF). Ce texte est une édition de sa présentation lors du webinaire « Féminisme et intégration régionale », organisé par la MMF Amériques le 30 novembre 2023.

Langue originale : espagnol

Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves

Édition par Helena Zelic

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