Que la vie, la liberté et la justice n’aient pas de frontières

28/07/2025 |

Par Yaquelin López

Face à la guerre des États-Unis contre les personnes migrantes, les mouvements parient sur la lutte pour la justice et la défense des communautés

Nuevo Sol Day Labor and Domestic Worker Center

La politique intérieure de l’administration Trump aux États-Unis a été celle de la terreur, de la haine et de la persécution des communautés de personnes migrantes de diverses régions. En un peu plus de six mois de gouvernement, de nombreux cas de violence, de violation des droits, de déportations forcées, de menaces de mort et d’intensification de la militarisation envahissent constamment l’actualité. La Police d’immigration et des douanes des États-Unis (ICE en anglais), avec de nombreux encouragements et ressources du gouvernement, a détenu des migrants sans statut légal et emmené des innocents dans des centres de détention qui ressemblent à des camps de concentration.

Les manifestations contre cette politique rétrograde vont du Nord au Sud du pays, tout comme la marche de trois jours organisée du nord de la Californie à la capitale de l’État, Sacramento, dans laquelle des militants ont exigé une réforme de l’immigration dans le pays. L’action s’inscrivait dans le cadre d’une large mobilisation des mouvements populaires contre les descentes de police violentes qui sont devenues la norme dans les communautés migrantes. Le texte disponible ci-dessous, écrit par Yaquelin López, militante migrante vivant aux États-Unis, donne un aperçu de ce contexte.

Aujourd’hui, nous nous trouvons dans un moment d’extrême préoccupation et, en même temps, de profonde responsabilité historique. Sept mois se sont écoulés depuis le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Ce que de nombreuses voix ont mis en garde avec véhémence et que d’autres ont tenté de minimiser est devenu une dure et douloureuse réalité : le pays vit sous un régime qui a déclaré la guerre à nos communautés migrantes. Ce gouvernement a réoccupé l’appareil d’État pour promouvoir la peur comme politique, la militarisation comme outil quotidien et la violence institutionnelle comme norme.

Nous le disons sans détour : une persécution systématique est orchestrée contre les femmes, les sans-papiers, les familles de personnes travailleuses et les communautés LGBTQ+, dont beaucoup ont échappé à la violence structurelle dans leur pays d’origine et trouvent maintenant de nouvelles formes d’oppression dans un pays qui promettait la liberté.

Ces derniers mois, la violence d’État s’est traduite par des lois plus cruelles, plus larges et plus impitoyables. Les programmes d’expulsion rapide ont été réactivés, même dans les communautés ayant des décennies de résidence. Les espaces civils ont été militarisés : les hôpitaux, les écoles et les gares routières ont été transformés en points de surveillance et de prison. Les attaques médiatiques se sont intensifiées, nous présentant comme une menace, un fardeau, un ennemi intérieur.

Politiques de criminalisation de la vie

L’État de Floride, en particulier, a été l’un des premiers et des plus agressifs laboratoires de cette machine d’exclusion. L’adoption et l’application généralisée de lois comme SB 1718 criminalisent non seulement ceux qui migrent, mais aussi ceux qui accompagnent, offrent un soutien juridique ou refusent simplement de rester les bras croisés face à l’injustice. Aujourd’hui en Floride, transporter une femme sans papiers dans sa voiture peut être considéré comme un crime. Un médecin peut refuser de soigner une personne sans papiers. Un enfant peut vivre dans la peur qu’en sortant de l’école, sa mère ait disparu.

Tout cela se passe dans le silence, l’indifférence institutionnelle, le recul des droits civiques et le durcissement du discours public.

Une politique de terreur se normalise. La peur est semée en tant que stratégie gouvernementale. Ils veulent qu’on arrête de parler, de s’organiser et de rêver.

Mais dans ce contexte sombre, nous, femmes migrantes, mères, travailleuses, militantes et dirigeantes communautaires, ne baissons pas les bras. Nous refusons de garder le silence ou de battre en retraite, car la peur ne peut pas être plus forte que notre dignité. L’organisation reste — comme elle l’a toujours été — notre principale défense, notre bouclier collectif, notre tranchée d’espoir.

Non seulement nous résistons, mais nous construisons aussi. Nous tissons des réseaux de soutien lorsque l’État nous persécute. Nous prenons soin les unes des autres lorsque la loi veut nous punir. Nous éduquons, nous soignons, nous nourrissons, nous combattons. Par-dessus tout, nous continuons à rêver d’un monde où la migration n’est pas un crime, où la vie ne dépend pas du statut juridique, et où la vie, la liberté et la justice n’ont pas de frontières.

Les migrations d’aujourd’hui, en particulier celles des femmes et des personnes d’identités diverses, ne sont généralement pas des décisions libres ou volontaires. Dans la plupart des cas, ces personnes sont contraintes de quitter leur pays en raison de situations très difficiles et interconnectées, telles que l’extrême pauvreté, la violence à l’égard des femmes, l’appropriation des ressources naturelles, le changement climatique, les pénuries alimentaires et la présence du crime organisé. Ces raisons montrent que la migration n’est pas un simple voyage, mais une conséquence de profondes inégalités qui poussent de nombreuses personnes à chercher une vie meilleure en dehors de leur pays d’origine.

D’un point de vue féministe, nous reconnaissons que la migration est féminisée, non seulement parce qu’il y a plus de femmes migrantes que dans les décennies précédentes, mais aussi parce que les conditions de celles qui migrent sont marquées par une surexposition aux abus, à la précarité et au manque de protection. Ce sont des femmes qui migrent seules avec leurs enfants, des femmes victimes de la traite des êtres humains, des femmes fuyant des violences de genre non reconnues comme motif d’asile, des travailleuses domestiques et du secteur du soin, des ouvrières agricoles sans papiers, des femmes qui font vivre des économies sans droits ni protection.

La migration ne commence pas à la frontière ; elle commence par la violence de l’extractivisme, de la dépossession et des accords de libre-échange. La complicité des États-Unis dans le maintien de modèles économiques qui appauvrissent nos pays fait partie du cycle migratoire.

Sous l’administration Trump, ce processus est exacerbé par l’utilisation de l’appareil d’État comme instrument de persécution et de contrôle. La migration devient une arène de conflit politique, où les discours racistes, misogynes et anti-immigrants se consolident, non seulement criminalisant la circulation des personnes, mais aussi niant leur condition humaine et leur droit à une vie digne.

L’administration Trump représente l’institutionnalisation de la haine : elle a ravivé la politique de la peur, utilisant la migration comme bouc émissaire pour justifier des coupes dans les investissements sociaux, la répression et le contrôle.

La survie a été criminalisée. Franchir une frontière à cause de la faim est traité avec plus de sévérité que commettre une fraude corporative de plusieurs millions.

Nous sommes à un moment critique de l’histoire récente des droits humains aux États-Unis. Sous l’administration actuelle, l’érosion systématique du cadre juridique et éthique qui protège les personnes migrantes s’est intensifiée, affectant en particulier les femmes, les personnes trans, les lesbiennes, les homosexuels et d’autres identités sexuelles et de genre non normatives.

Les femmes migrantes sont confrontées à de multiples obstacles à l’exercice de leurs droits fondamentaux : le droit à la santé est violé par des politiques qui empêchent l’accès aux services de base pour les personnes sans papiers ; le droit de vivre une vie sans violence est entravé lorsque les survivantes de violences domestiques ou sexuelles ont peur de se présenter de peur d’être expulsées ; le droit de travailler dans des conditions décentes est inexistant pour de nombreuses travailleuses sans papiers, exposées à l’exploitation, sans possibilité d’organisation syndicale ou de protection juridique.

Dans le cas des personnes migrantes LGBTQ+, la situation est encore plus alarmante. Beaucoup fuient leur pays d’origine en raison de persécutions liées à leur orientation sexuelle ou à leur identité de genre. Cependant, à leur arrivée aux États-Unis, elles sont confrontées à un système qui ne reconnaît ni ne garantit leurs droits spécifiques. Les personnes trans sont placées dans des centres de détention qui ne respectent pas leur identité de genre, où elles sont victimes de violences institutionnelles et d’abus sexuels. Les demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle sont rejetées ou refusées sur la base de préjugés culturels et religieux.

Le discours officiel a éliminé toute sensibilité envers ces populations. La criminalisation des personnes migrantes croise la haine de la dissidence sexuelle, donnant lieu à une politique d’extermination symbolique et souvent réelle, qui doit être dénoncée et affrontée de toute urgence.

Même s’ils essaient de nous diviser, de nous réduire au silence et de nous détruire, nous continuons à défendre la vie, la communauté et la justice. Dans chaque acte de solidarité, dans chaque toile que nous tissons, dans chaque voix que nous élevons, nous disons clairement que nous n’abandonnerons pas. Et qu’au-dessus de la peur et de la répression, nous choisirons toujours le chemin de l’amour, de la dignité et de l’espoir partagé. L’amour est plus fort que la haine.


Yaquelin López vit aux États-Unis et fait partie de l’organisation Women Working Together Femmes Travaillant Ensemble. Ce texte est une version éditée de sa présentation au forum virtuel « Crise migratoire : visions féministes des Amériques. Quel est l’impact de la migration sur le corps et la vie des femmes ? », tenue le 24 mai 2025.

Texte d’introduction de Bianca Pessoa
Édition par Helena Zelic
Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves
Langue originale : espagnol

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