Agroécologie au MST : la Foire Nationale de la Réforme Agraire au Brésil

17/05/2025 |

Par Nivia Régina et communication du MST

En savoir plus sur l'agroécologie au MST à travers un article et des images du Salon National de la Réforme Agraire

La 5ème foire Nationale de la Réforme Agraire a réuni à São Paulo, au Brésil, plus de 2 mille agriculteurs et agricultrices des assentamentos et des camps1Dans le contexte brésilien, les campements du MST sont des zones rurales, généralement inactives et ne remplissant pas la fonction sociale de la terre, occupées par des familles sans terre comme tactique pour exiger la mise en œuvre de la réforme agraire. Les assentamentos sont des zones qui ont déjà fait l’objet d’une réforme agraire, où les familles ont la sécurité juridique de rester et de produire. du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) entre le 08 et le 11 mai 2025. Il y avait 580 tonnes de nourriture, une grande diversité de 1920 types de produits, 23 cuisines régionales, de l’art, de la culture et des débats qui synthétisaient et exprimaient, dans la pratique, l’agenda de la Réforme agraire populaire et sa centralité dans la conjoncture brésilienne. Nous publions sur Capire des images de la participation des agricultrices à la Foire, produites par la communication du MST, et extraits de l’article de Nívia Regina, dirigeante du MST et membre de la Brigade internationaliste du mouvement à Cuba. L’article complet peut être lu, en portugais, au site web du MST.

La Foire nationale est une grande roue de l’agroécologie

Dans le cadre de cette grande roue de l’agroécologie qu’est la Foire nationale, nous récupérons certains éléments de la façon dont le mouvement a construit, au fil du temps, l’agroécologie sur ses territoires. Ce n’est pas une systématisation détaillée, mais c’est une série de faits historiques qui montrent le lien du MST avec l’agroécologie, pour continuer à nous encourager dans ce voyage.

La lutte des peuples pour le droit à la terre et pour la défense de leurs territoires — comme les peuples autochtones, la lutte dans les Quilombos dos Palmares, Canudos, Contestado, les Ultabs, les Ligues paysannes — étaient des luttes pour le droit d’exister, dans la réalisation de leur travail avec la nature, sous différentes formes de synergie, de coopération et même d’antagonismes, où, de manière moins ou plus consciente, une interaction avec la nature était recherchée.

Le développement de l’agriculture capitaliste, avec l’adoption ultérieure de la Révolution verte, a gravement modifié la nature, favorisé la soumission des peuples autochtones et la plus grande migration paysanne de l’histoire, affectant leurs connaissances et leurs pratiques, les empêchant de développer leur potentiel en tant que forme sociale de production et d’appropriation de la nature. Par conséquent, la lutte pour la terre, pour la réforme agraire et pour la défense des peuples autochtones signifiait également affronter ce modèle d’exploitation destructrice de l’agriculture.

Au début du MST, la priorité du travail au sein des assentamentos consistait en des actions telles que la lutte pour l’éducation, les infrastructures de base, le début de l’organisation de la production, avec des incitations à la coopération agricole des familles assentadas (y compris informelles ou spontanées), crédit rural, assistance technique, incitation à la transformation, élargissement de la capacité des familles assentadas à résister et à rester sur la terre et à développer les forces productives.

Comment l’agroécologie est-elle semée dans le MST ?

Au cours des quinze premières années du MST, l’organisation des assentamentos a concentré de grands efforts sur le développement de nouvelles formes de relations sociales de production. La création du Sistema Cooperativista dos Assentados (Système cooperativiste des assentados – SCA) a été une étape importante, qui nous a amenés à apprendre des expériences d’autres pays, comme Cuba. Au cours de cette période, d’importantes initiatives sont nées telles que la Confédération des coopératives de réforme agraire (Concrab), les Coopératives de production agricole (Cooperativas de produção agropecuária – CPAS), un système de formation intégré à la production coopérative (comme le cours de techniciens en administration coopérative), et d’autres formes de coopération qui reflètent la devise de notre 2e Congrès en 1990 : « occuper, résister et produire ».

Au cours des années 1990, avec le développement du néolibéralisme, il y a eu des transformations dans la façon dont le capitalisme a structuré la production et le travail, avec les innovations technologiques, la privatisation et la mondialisation. Le projet agraire brésilien basé sur l’agenda du « Nouveau monde rural », promu par la Banque mondiale, a été consolidé. Des programmes de crédit et d’assistance technique d’organismes publics ont fonctionné pour le développement d’une agriculture à forte intensité d’intrants, subordonnant le développement de la paysannerie à des ensembles technologiques.

Ce processus se concentre sur le MST, qui cherche des moyens de développer et de socialiser les technologies dominantes pour étendre la production dans les zones de faible qualité, en acquérant des intrants de la Révolution verte, apportant des défis économiques, techniques, politiques et culturels, en raison de la forte dépendance et de l’endettement de nombreux projets d’assentamentos.

Parallèlement, diverses initiatives se sont développées dans différents assentamentos, telles que les pratiques d’agriculture biologique, les jardins médicinaux, l’agroforesterie et les semences créoles. Avec des alliés et des partenaires des institutions publiques de recherche, d’enseignement et de vulgarisation rurale et de la société civile organisée, le MST a progressivement accumulé son mécontentement et ses critiques du modèle de la Révolution verte et a développé des travaux articulés qui ont produit d’autres paradigmes productifs alternatifs.

L’agroécologie dans le MST et la confrontation avec l’agro-industrie

L’agriculture brésilienne des années 2000 consolide l’agro-industrie, faisant comprendre au MST que des facteurs tels que l’augmentation de la concentration des terres, le contrôle de la production et de la circulation agricoles par les sociétés transnationales, le commodities et la base technologique de la Révolution verte avec les biotechnologies et l’utilisation intensive de pesticides et de transgéniques étaient des éléments du même projet de mort pour la campagne brésilienne.

Le IV Congrès du MST (2000) lance l’affiche « Nos engagements envers la Terre et la vie », où il affirme l’engagement de défendre et de préserver toutes les formes de vie sur la planète, de prendre soin et de protéger la terre et l’eau, de ne pas brûler etc. De cette manière, il marque sa critique du modèle agricole de l’agro-industrie et projette le développement de lignes politiques et d’actions concrètes pour la construction d’un nouveau modèle technologique basé sur l’agroécologie.

Cette période est la phase dans laquelle le MST s’approprie et intériorise le plus le débat sur l’agroécologie. En 2001, le secteur de la production lance le manuel Que prendre en compte pour l’organisation des assentamentos — la discussion dans le camp, travaillant avec des dimensions militantes liées à l’organisation de nouveaux assentamentos, l’un des axes étant « Une nouvelle façon de produire », dans laquelle le MST observe que « l’agroécologie devrait guider nos pratiques productives ». Pendant cette période, le secteur se transforme en Secteur de production, de coopération et d’environnement.

Réforme agraire populaire et agroécologie

Au VIe Congrès national, en 2014, la réforme agraire populaire gagne du corps avec la proposition du Programme agraire et la devise du congrès « Lutter, construire une réforme agraire populaire » projette le MST pour la mise en œuvre de la proposition, à partir de ses territoires, secteurs et collectifs. Et c’est au sein de la réforme agraire populaire, qui intéresse non seulement les sans terre, mais aussi la population qui se trouve dans les villes, que l’agroécologie trouve sa possibilité la plus concrète de massification.

En 2015, le MST a organisé la 1ère Foire nationale de la réforme agraire, lançant un large dialogue avec la société sur l’utilisation des terres, la production et la consommation d’aliments sains et l’agroécologie.

Cette articulation entre la paysannerie et la classe ouvrière urbaine est la matérialité de la réforme agraire populaire.

Actualité et défis

De nombreuses expériences se sont massifiées aux différents états, renforçant les partenariats avec les gouvernements populaires, les universités et les instituts, avec les mouvements ruraux et urbains.

Nous avons actuellement une plus grande diversité de chaînes de production consolidées, même dans un contexte profond de changement climatique et de catastrophes environnementales (sécheresses prolongées, fortes pluies, inondations). L’entreprise pionnière de l’agroécologie, Bionatur, compte plus de 50 variétés d’espèces différentes, environ 8 tonnes de semences par an. Dans la chaîne du riz, même avec le grand impact subi à Rio Grande do Sul en 2024, la 22e Fête de la récolte du riz agroécologique a célébré la récolte 2024/2025 de quatorze mille tonnes de céréales.

Dans le domaine de la formation à l’agroécologie, nous continuons d’avancer avec de nombreuses actions dans l’éducation informelle et formelle et la formation politique. De nombreuses activités ont été développées dans les camps, les assentamentos et les centres de formation des états, construites en partenariat avec des universités et des institutions et des accords avec Pronera, avec des cours non scolaires et scolaires au niveau technique, technologue, spécialisation et master.

Les initiatives des cinq dernières années, telles que le Programme bio-intrants et le Plan national « Planter des arbres, produire des aliments sains », sont des outils techniques et politiques qui cherchent à poursuivre l’approfondissement de l’agroécologie auprès du MST. La production de bio-intrants, qui a été appropriée par les entreprises transnationales, est une action nécessaire pour chercher à augmenter la productivité de nos cultures sur une base écologique. Pour cela, il est essentiel d’étudier, de rechercher, de promouvoir la production locale et de construire des structures biofactorielles pour la production massive de bio-intrants. De cette manière, le mouvement a travaillé au développement de formations et d’expériences dans les états.

Édité par Tica Moreno
Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves

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